mardi 1 décembre 2009

Le Jugement du 19 novembre 2009

Après quatre mois de procès, et plusieurs mois de délidébé, le Tribunal Correctionnel a rendu son jugement le 19/11/2009.
Ce jugement qui prononce la relaxe ne satisfait pas l'Association Familles Endeuillées qui avait depuis longtemps pris connaissance du dossier d'instruction et considéré que les preuves de l'accident chimique et des fautes de l'industriel avaient été démontrées. Mais pour autant, un grand nombre de dysfonctionnements majeurs dans la gestion et la sécurité de l'Usine AZF sont relevés dans ce jugement. De même, le Tribunal dénonce à plusieurs reprises les manoeuvres de l'industriel qui prétend rechercher toujours la vérité, et qui parallèlement fait tout pour dissimuler tout élément de preuve qui le mettrait en cause.
De nombreuses questions se posent à la lecture du jugement qui appel certainement des réflexions de tous les acteurs dans différentes directions :
- législatives,
- judiciaires,
- industrielles.
Nous mettons le jugement en ligne sur ce blog afin que tous le monde puisse s'y référer.

Chacun pourra y lire la confirmation selon laquelle la Commission d'enquête interne de Total à géné l'action de la police dès les premiers jours de l'enquêt. La Commission d'enquête interne a devancé la police de plus de 2 mois. Rappelons que dès le lendemain de l'explosion, M. DESMAREST, patron de Total, a constitué cette Commission dite d'enquête interne et ses membres sont venus à Toulouse et ont interrogé tous les salariés dès le lendemain de l'explosion. C'est ainsii qu'ils ont eu immédiatement l'information de M. FAURE sur le scénario du versement du contenu d'une benne qu'il venait de remplir dans le hangar 335 (secteur sud de l'usine) dans le hangar 221 (secteur nord de l'usine) quelques minutes avant l'explosion.
Lorsque la police a été investigué au hangar 335, elle n'a plus retrouvé les lieux tels que l'ouvrier, M. Faure, les avait laissés. La benne qui avait été ramenée par M. Faure et garée non loin du hangar 335 n'a jamais été retrouvée par la police, alors que lorsque les membres de la Commission d'Enquête y sont allés, dès le dimanche 23 septembre 2001, elle y était encore. Le fait que la benne n'ait jamais été retrouvée par la Police, et qu'on n'ait donc pas pu analyser précisément les restes de produits qu'elle avait contenus avant le déversement par Faure, est au coeur de la relaxe prononcée par le Tribunal Correctionnel.
Or, comme nous l'avons toujours dit, s'il manquait cette benne dans les pièces à convictions de la Police, c'est tout simplement parceque les représentans de Total réunis sous le nom "trompeur de commission interne" sont venus les premiers, avant la Police, et ont laissé par action ou par ommission dépérir cette preuve.
La benne ayant été garée à l'autre bout de l'Usine, à côté du hangar 335, à l'opposé du lieu de l'explosion, la Police n'a pas tout de suite isolé ce périmètre. les menbres de la Commission interne sont y allés et ont prétendu aller chercher les sacs qui auraient pu être déversés dans la benne, mais n'avoir jamais penser à rechercher tout simplement la benne garée juste à côté.
De la part d'Inspecteurs de Sécurité de Total, une telle ommission n'est évidemment absolument pas crédible.
Or, nous pensons que le contenu de la benne a certainement été examniné par ses Inspecteurs de Sécurité puis la benne tout simplement délaissée dans un Usine qui était en pleine sécurisation et dans laquelle les bennes vacantes étaient très rapidement réutilisées.
Par conséquent, il est tout a fait vraisemblable que l'analyse du produit restant au fond de cette benne ait été faite par les représentants de Total qui ont eu plus de deux mois d'avance sur la Police à cet endroit de l'Usine épargné par l'explosion ou toutes les constatations étaient possibles.
Lorsque les Policiers sont arrivés sur les lieux en novembre 2001, le hangard 335 avait été totalement bouleversé, les sacs dont le contenu avait été vidé dans la benne n'ont pas pu être retrouvés par M. FAURE puisque l'état des lieux avait été modifié, les sacs manipulés et entassés par les membres de la Commission d'Enquête Interne pendant les 2 premiers mois de l'enquêt. La Police n'a pu faire que des constatations plus fragiles puisque ce qui était important, c'est que M. FAURE puisse désigner les sacs laissés là et dont le contenu avait constitué la benne. Ainsi, par les agissements de la Commission d'Enquête Interne, la Police n'a pu retrouver ni la benne ni l'état des lieux du hangar 335 avec les sacs tels qu'ils étaient après le secouage de leur contenu comme l'a décrit M. Faure. Ces pièces à conviction majeure ne sont pas au dossier, alors que les membres de la Commission d'enquête interne ont eu la primeur de ces constatations et n'ont rien révélé à la Police.

L'Association de familles endeuillées avait à l'époque déposé une plainte pour entrave, laquelle a été cloturée par une décsion de non lieu rendue par les Magistrats instructeurs qui étaient chargés de l'enquête principale.
Lorsque cette plainte avait été déposée, l'Association de familles endeuillées avait demandé à ce que d'autres Juges d'Instruction soient chargés de cette enquête, afin d'éviter que les magistrats qui avaient été chargés de l'affaire principale ne se sentent mis en cause puisqu'il pourrait leur être reproché d'avoir laissé les membres de la Commission d'enquête interne libres d'aller et venir sur un site qui constituait une scène du crime qui devait être en priorité examiné par la Police.
Cette requête en suspiscion légitime a été rejetée par le Président de la Cour d'Appel de Toulouse. Cependant, le Jugement revient sur cette situation et considère que les magistrats chargés de l'enquête auraient du contrôler les différentes enquêtes privées qui pouvaient se dérouler sur le site afin que la Justice ait la main sur cette enquête.
L'enquête sur l'entrave à la justice a donc été menée par les même Juges d'instruction que ceux qui étaient chargés de l'affaire principale et malgré une certaine volonté de la Police d'élucider dans quelles conditions les fouilles du hangard 335 avaient été menées par les membres de la Commission d'enquête interne, cette plainte a été suivie d'une décion de non lieu au motif que malgré ces fouilles qui avaient empêché la Police d'avoir la primeur des constations, un sac de chlore avait été malgré tout retrouvé, pièce à conviction à charge, qui aurait démontré la bonne foi des membres de la commission d'enquête interne.
En revanche, l'instruction de cette plainte n'a pas porté sur d'autres faits et en particulier la disparition de cette pièce à conviction essentielle : la benne.
Plusieurs années après, la relaxe est prononcée au motif que la benne n'a pas été trouvée et que son contenu n'a donc pu être examiné par les enquêteurs.
On se retrouve ainsi au point de départ d'un questionnement majeur de l'Assocation des familles endeuillées: comment, dans un enquête pour une affaire aussi grave, une catastrophe industrielle sans précedent sur les territoires français, a-t-on pu laisser les membres de Total investiguer à leur guise sur une scène du crime qui contenait des pièces à convictions majeures telles qu'elles ont fait défaut au point de provoquer une décision de relaxe au bénéfice du doute ?
L'Association Familles endeuillées n'entend pas laisser cette situation sans suite. Elle apelle les pouvoirs publics à plusieurs mesures :
1. Alors que bien entendu l'état actuel de la législation permet bien evidemment de l'affirmer, mais afin que cela soit exprimé cette fois-ci d'une manière forte afin que plus jamais ce genre de situation ne puisse se reproduire, une précision devrait être apportée dans les textes selon laquelle toute scène comportant des indices nécessaires à une enquête en cours ne doit pas être modifiée et seule la police a compétence pour faire des actes d'enquête de police tels que constatations, prélèvements, perquisitions, saisies etc. Tous les autres organismes chargés d'effectuer des enquêtes : enquêtes internes dans le cadre des législations SEVESO, enquêtes d'inspection ou d'administration diverses, sont secondes par rapport à l'enquête policière qui doit avoir en tout point la priorité de toutes les constatations.
Cette nécessaire priorité est affirmée dans le jugement, elle résulte de nos textes et de notre législation actuelle. Cependant, cette priorité n'a pas été respectée dans cette affaire et pourtant aucune sanction n'a été prononcée. Une réforme législative qui consisterait en l'occurence en une simple clarification d'une situation juridique déjà existante, serait salutaire.

2. Les textes actuels punissent les entraves à la Justice constitués par les faits d'altération des lieux ou effacement des traces, supressions d'objets, déplacements d'objets et falsifications de preuves et des soustractions de preuves. Par conséquent, le non-lieu qui avait été prononcé n'était définitif que sous réserve de l'apparition de faits nouveaux comme le prévoit la loi. L'audience et le jugement ont permis d'apporter à cette affaire des éléments nouveaux. En effet, la bonne foi prétendue des acteurs de la Comission d'enquête interne est sérieusement remise en cause par ce qui a été dévoilé à l'audience et qui est rappelé de manière explicite dans de nombreuses pages du jugement. Ainsi, le Tribunal constate qu'au lieu de se comporter comme une Comission d'enquête interne à la recherche de la vérité, celle-ci a en réalité caché des agissements de pure défense avec tout ce que ce terme comporte de possibilités d'utiliser tous les moyens nécessaires à faire prononcer la mise hors de cause d'une personne. Par conséquent, la mauvaise foi c'est à dire la conscience d'altérer la recherche de la vérité au bénéfice de la défense de la Société Total et de ses protégés est explicitement retenue par le Tribunal. L'audience a également révélé que les membres de la Commission d'Enquête interne avait caché bien d'autres choses encore: des prélèvements notamment sur le sac de chlore qui a été retrouvé au hangar 335 par la police, et dont les résultats n'ont jamais été communiqué à la police et à la Justice, à tel point que le Tribunal a considéré que les quantités restant dans ce sac, pièce à conviction importante, n'ayant pas été démontrées, il y avait là également un facteur de doute quant aux preuves de l'accident chimique. Ainsi, des faits nouveaux sur la plainte pour entrave à la Justice doivent permettre de réouvrir ce dossier. Il est impératif que de tels faits ne restent pas impunis.

3 - Le monde industriel doit être informé du contenu de ce dossier. Le Tribunal a d'ailleurs pris une décision inédite: envoyer le contenu de certaines expertises à l'IGE car la Sté Total avait interdit à certains experts de publier leurs recherches, puisque celles ci pouvaient conforter la thèse de l'accident chimique. Ainsi, ils avaient gardé sous le coude des expertises utiles au monde industriel et à la Sécurité, dans le simple but de favoriser leur défense. Ainsi, il est nécessaire qu'au délà d'une relaxe prononcée au bénéfice du doute, le monde industriel connaissent les élements de cette affaire et que le "retour d'expérience" fonctionne malgré toutes les tentatives du Groupe Total pour entraver la vérité.